En ce début d’année, la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 dite « de
financement de la sécurité sociale pour 2011 » vient, par son article 21, troubler les esprits. Tout comme la loi de finances pour 2011, elle a été adoptée dans une optique de réduction des
déficits publics. Elle contient nombre de mesures de réduction de « niches sociales » ( augmentation des prélèvements sur les stocks-options ou les retraites chapeaux …..) et des
mesures dites complémentaires poursuivant le même objectif parmi lesquelles l’assujettissement à cotisations des rémunérations versées par
certaines entreprises à des salariés d’autres entreprises.
Cet article 21
de la loi LFSS crée à l’occasion un nouvel article du Code de la Sécurité Sociale, un de plus, l’article L. 242-1-4. En vertu de cette disposition,
désormais, toute somme ou avantage alloué par une personne n’ayant pas la qualité d’employeur en contrepartie d’une activité accomplie dans l’intérêt de celle-ci, est assimilée à une rémunération
au sens de l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité Sociale. Voilà pour le principe.
Lequel souffre immédiatement une entorse : le cas où le salarié
bénéficiaire exerce une activité commerciale ou en lien direct avec la clientèle pour laquelle il est d’usage qu’une personne tierce à l’employeur alloue des
sommes ou avantages au salarié au titre de cette activité. Dans cette hypothèse, qui mériterait sans doute quelques précisions, les cotisations des assurances sociales, d’allocations familiales
et d’accidents du travail et les contributions sociales dues sur ces rémunérations sont acquittées sous la forme d’un versement libératoire
à la charge du payeur tiers.
Ce versement est égal à 20% de la part de ces rémunérations qui excède pour l’année considérée 15% du SMIC ( soit 204€, valeur en
2011 ). En-deçà, aucune cotisation n’est due.
Mais lorsque ces rémunérations annuelles excèdent le SMIC, la part
supérieure à ce plafond est assujettie à toutes les cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle.
Toutefois, si le tiers appartient au même groupe que l’employeur,
au sens de l’article L. 2331-1 du Code du Travail, les avantages versés sont soumis aux cotisations et contributions de droit commun, et ce dès le premier euro. Suivent d’autres dispositions
secondaires et la promesse d’un décret d’application complété par un arrêté ministériel visant
la répartition des sommes recouvrées.
Quelques professionnels organisateurs de voyages incentive se sont emparés de cette loi pour y aller de leurs commentaires très alarmistes prédisant
la mort des agences, ni plus ni moins. La démarche est classique. En même temps, les organes représentatifs de la profession ont semblé faire preuve
d’une relative indifférence allant jusqu’à évoquer la quantité impressionnante en France de lois non suivies d’effet parce que privées de décrets d’application. La question n’avait guère soulevé
de passions parmi les parlementaires lors des discussions de cette loi à la fin de l’année 2010. L’adoption de l’article 21 avait d’ailleurs recueilli un assez large consensus.
Seul ou presque, le Député des Bouches-du-Rhône, Monsieur
Dominique TIAN, auteur de trois amendements rejetés, s’est élevé contre cette disposition. Il a rappelé que les salariés bénéficiaires
concernés par les gratifications dont le traitement social était remis en cause étaient essentiellement des commerciaux travaillant dans des grandes surfaces, des parfumeries, des compagnies
aériennes, des agences de tourisme, des hôtels, des entreprises de télévente, des concessionnaires automobiles et des entreprises du secteur de la distribution. L’idée de taxer les gratifications
de ces milliers de salariés n’est pas nouvelle et a été évoquée à plusieurs reprises lors des précédents PLFSS sur demande, récurrente, de l’ URSSAF. Celle-ci n’ayant jusqu’alors jamais obtenu
gain de cause devant les tribunaux, faute d’un fondement juridique à l’appui de ses nombreuses requêtes. Un jurisprudence constante de la Cour de Cassation indiquant que, en l’absence de
lien de subordination entre le tiers et le salarié, l’URSSAF n’était pas fondée dans ses prétentions.
L’URSSAF disposera désormais d’une base légale : l’article 21 de la loi
du 20 décembre 2010.
Cette loi
portera-t-elle un coup fatal au secteur des produits de motivation en général et des voyages incentive en particulier ?
Sous l’emprise croissante d’une réglementation, d’une
fiscalisation et d’une socialisation budgétivores, le marché de l’incentive pourra survivre sous au moins quatre conditions :
. décliner de nouveaux produits, plus adaptés à une demande plus
modeste par la forçe des choses,
. suggérer de nouveaux formats d’opérations, plus réduits,
. initier des mécanismes resserrés de motivation, plus exigeants
en terme de résultats,
. négocier des prix compétitifs auprès des fournisseurs et
sous-traitants.
Dans ces circonstances, la destination France sera sans doute privilégiée pour être revisitée. Un budget de 1 125 € par personne, hors taxe nouvelle de base, contraindra les
ambitions de franchir les frontières. Quoique.
Il serait fort intéressant de confronter les opinions et les idées
sur la question. Professionnels et clients confondus. Et nous proposons de lancer dès aujourd’hui via ce blog, sans attendre la publication de décrets qui ne porteront que sur les modalités d’une
disposition législative furtivement votée mais bien réelle, les Assises virtuelles de l’incentive.
A vos
claviers
Roch GUILABERT