Le dispositif visant à soumettre les rémunérations allouées aux salariés par des personnes tierces à l’employeur ( Article L. 242-1-4 du Code de la Sécurité Sociale) précisé par Décret du 25 octobre 2011 a fait l’objet d’une circulaire interministérielle en date du 09 novembre 2011.
Avant d’évoquer quelques aspects de ce texte, rappelons qu’une circulaire administrative est un document adressé par une autorité ( en l’espèce trois ministères) à l’ensemble des services concernés par lequel ces derniers sont éclairés sur l’interprétation qu’il convient de faire d’une loi, d’un décret ou d’un arrêté. Il s’agit là d’une recommandation qui n’a pas de caractère impératif et qui peut toujours et à tout moment être modifiée par des instructions complémentaires. C’est sous cette importante réserve que les administrés peuvent cependant se prévaloir d’une circulaire publiée et l’opposer à l’Administration.
Cette circulaire du 09 novembre précise que les sommes et avantages visés par l’Article L. 242-1-4 du CSS sont ceux attribués dans le cadre d’opérations ayant pour objectifs soit l’augmentation du volume des ventes et/ou des parts de marché du tiers payeur, soit la sensibilisation des salariés aux produits ou services de la personne tierce afin qu’ils puissent les prescrire, directement ou indirectement. Le premier cas de figure évoque une opération classique de stimulation externe des ventes, le second l’organisation de réunions d’information ou de formation au profit des salariés (un fabricant de machines-outils invite les commerciaux de ses revendeurs pour leur présenter le modèle dernier cri).
Le texte distingue par ailleurs l’objectif purement financier poursuivi par le tiers de l’objectif servant le développement de sa seule renommée. L’intérêt de cette distinction n’apparait pas clairement. Sauf à indiquer qu’à un moment ou à un autre la mission du salarié doit bien être définie dans le cadre de relations directes entre l’entreprise tierce et le salarié. A défaut de lien de subordination, un lien existe donc , créé à partir d’instructions données au salarié par le tiers.
Une autre recommandation de la circulaire précise que l’Article L. 242-1-4 peut s’appliquer sans égard de l’atteinte ou non des objectifs visés par le tiers. Ce commentaire révèle toute l’ambigüité de l’approche des parlementaires et du gouvernement concernant la question traitée. Si on se place sous l’angle d’un Incentive pur, il n’a pas lieu d’être. Dans cette circonstance, en effet, il ne peut y avoir récompense, sommes ou avantages en nature, que si les objectifs poursuivis par le tiers payeur sont atteints. En réalité, les débats à l’Assemblée Nationale, notamment ceux du 21 novembre 2011, ont de manière quasi-obsessionnelle fait référence à la pratique des cadeaux. Avec le grave inconvénient d’occulter l’avantage majeur procuré par le recours à l’ Incentive : l’effort supplémentaire consenti par les professionnels stimulés. Et nous sommes là très loin du cadeau de complaisance. Cette observation est importante. Même les auteurs de l’amendement visant à relever le plafond des rémunérations donnant lieu à la seule contribution libératoire de 20% (pour en porter l’assiette annuelle de 100 à 150% du SMIC) ne semblent pas s’être affranchis de cette équivoque. Le rapporteur lui-même, Yves BUR, demandait qu’on prît conscience du fait que le relèvement de ce plafond représentait « deux millions d’euros de cadeaux délivrés à des tiers, sans cotisations sociales ». Ce qui a permis aux députés de l’opposition présents de déplorer la part belle faite à ces cadeaux et l’impact en résultant sur les comptes sociaux. Patrice VERCHERE, favorable au projet, adoptait lui une défense assez maladroite, arguant que « la pratique de cadeaux permettait à des petits ou moyens salaires de bénéficier de quelques avantages en nature ». Nulle référence au cours de ces débats à l’activité supplémentaire engendrée par les opérations d’ Incentive et l’octroi de récompenses en contrepartie exclusive d’un effort fourni.
La circulaire du 09 novembre énumère un certain nombre d’exclusions du champ d’application de l’Article L. 242-1-4 du CSS. Parmi elles, les programmes « miles » (nous sommes contents pour notre compagnie aérienne nationale, bien entendu non citée), les voyages de formation dans le secteur du tourisme (les « éductours ») et les réunions d’information et d’animation de réseaux de vente ou de prescripteurs à des fins exclusivement professionnelles (entendre les séminaires, les congrès et, probablement, les salons). La qualification de ces différentes opérations pouvant toujours être mise en cause sur le fondement de la procédure d’abus de droit prévue à l’Article L. 243-7-2 du CSS, disposition subtilement rappelée par la circulaire.
D’autres dispositions de la circulaire du 09 novembre 2011 pourraient être commentées dans le cadre d’une analyse se voulant exhaustive et particulièrement le régime spécifique des titres-cadeaux. Nous retiendrons ici, pour finir, le soin extrême pris par cette circulaire pour nous convaincre de la souplesse de son interprétation des conditions d’application de la contribution libératoire. Ainsi, les salariés concernés peuvent ne pas être obligatoirement qualifiés de commerciaux aux termes de leur contrat de travail. Il suffit qu’ils exercent leur activité en lien direct avec la clientèle (on peut penser à des salariés chargés de SAV ou de la maintenance des matériels vendus). Ce lien direct lui-même, précise la circulaire, peut être dématérialisé, dépersonnalisé par la pratique citée du télémarketing. Enfin, l’usage d’allocations de sommes ou avantages aux salariés par une entreprise tierce reçoit la définition la plus vaste et la plus floue qui soit : pratique habituelle du secteur d’activité du salarié, régulièrement constatée.
Parmi les secteurs d’activité réputés respecter les critères de commercialité et d’usage selon la circulaire, on relèvera ….. les portiers d’hôtels. C’est un indice ça, la porte n’est pas fermée à l’Incentive, invité là, implicitement, à brasser plus large.
Didier TURCAN / Roch GUILABERT